Du territoire à l'objet
L’idée d’un vrai chez-soi renvoie toujours à la possibilité d’entrer en contact avec sa sécurité intérieure. Par une simple appropriation de l'espace, d'un outil ou d'un résultat, on peut développer le sentiment d'appartenance.
La représentation du territoire
L’homme crée son espace et se crée lui-même. L’image de soi, de son corps, n’existe, en grande partie que par rapport à l’image d’autrui. Cette relation est fonction de l’homogénéité ou de l’hétérogénéité du groupe et il existe chez le sujet des corrélations entre la relation aux choses et la relation aux êtres.
L’image du territoire se forme selon un apprentissage de lieux et de liaison qui se construisent au fil du temps. Par exemple, lorsque l’on y va pour la première fois dans une ville inconnue, on dispose d’un plan et on repère les lieux qui sont des points sur le plan ; lorsque l’on y retourne, on va commencer à relier divers points, s’orienter par rapport au musée, au centre culturel, à tel restaurant ou tel parc et on se crée des itinéraires à partir de l’hôtel ; le réseau de la ville est de mieux en mieux connu et le plan inutilisé. Naturellement, ce territoire du touriste n’a rien à faire avec le plan de l’autochtone local qui, depuis son enfance, pratique sa ville sans plan ; ainsi la représentation du touriste et celle du citoyen n’ont pas grand chose en commun ; celle de l’habitant est un réseau constitué par les actions quotidiennes dans une organisation topologique alors que celle du touriste est une liste réduite de lieux non liés.
On peut ainsi opposer l’espace mal connu abstrait fait de points non reliés, chez le touriste, l’espace semi-connu où quelques points sont reliés, enfin l’espace connu où tous les points intéressants (pour le sujet) sont reliés en réseau, tel qu’à partir d’un seul point, on reconstitue les autres. C’est le territoire de l’autochtone. Cet espace approprié que nous appelons espace concret suit donc les mêmes lois d’organisation interne que l’objet concret par rapport à l’objet abstrait.
L'objet réconfort
Les pulsions chez l’enfant, au départ, ne se circonscrivent dans aucune limite, ni spatiale ni temporelle, ni fonctionnelle. L’espace ne devient projectif qu’à partir du choix de l’objet. L’espace n’est que le médiateur des pulsions. Le désir, le projet vont tenter de s’organiser dans l’espace en face d’une contrainte sociale. Toutes les relations sociales sont spatialisées : le mode d’organisation dans l’espace s’agence suivant des axes permis / interdit, dominant / dominé, sacré / profane...
«le possédant et le possédé sont unis par une relation interne »
Presque toujours, les personnalités obsédées par l’ordre et l’hygiène se réservent un petit coin pour la "crasse", le laisser-aller, … comme si elles souhaitaient se préserver un petit coin de liberté. L’amour du désordre ne rime pas forcément avec goût de la saleté. Vivre dans le chaos, c’est se créer un espace intime en perpétuel mouvement et, ainsi exorciser l’angoisse de la mort.
"Le désordre, c’est la vie”
Les extensions du corps (outils, voiture et maison) reflètent une partie de l'individu. La voiture est une coquille du corps, une petite maison ambulante.
Certains la décorent de manière spécifique, d'autres ne tolèrent pas qu’un autre automobiliste serre de trop près, quelques uns ont 'mal à leur boite de vitesse' quand ils la font grincer, ils font la grimace.
Le langage de l'objet.
L’objet ancien semble lié à la réussite sociale. «L’ancien, c’est, entre autres choses, la réussite sociale qui se cherche une légitimité, une hérédité, une sanction noble ».
L’objet est un médiateur entre le sujet et le monde. L’ensemble des objets constitue un code.
L’évolution technique de l’objet montre qu’il est passé d’abord par un stade primitif «abstrait» : chaque unité théorique et matérielle est constituée en système fermé, non lié aux autres. L’objet moderne, au contraire, est «concret» : chaque pièce importante est tellement rattachée aux autres par des échanges réciproques d’énergie qu’elle ne peut pas être autre qu’elle est .
Ces changements au niveau de la présentation de l’objet influent sur notre relation entre particularités constructives (objet ancien) et fusion d'ensembles (objet moderne).